« Il est vrai que je souffre de la faim, mais ce n’est pas jusqu’à la mort. Dieu merci, mon corps et mon esprit se soutiennent dans leur vigueur. Ce n’est pas de ce côté-là que je crains ; ce que je craindrais serait qu’en quittant mon troupeau en ces temps de misères, et dans ces frayeurs de la guerre, qu’il a besoin de moi plus que jamais, je ne manquasse aux occasions que Dieu me donne de me perdre pour lui ; et ensuite, je ne me rendisse indigne de ses faveurs. Je n’ai que trop de soin de moi et si je voyais que les forces fussent pour me manquer, puisque Votre Révérence me le commande, je ne manquerais pas de partir, car je suis toujours prêt de tout quitter pour mourir dans l’obéissance où Dieu me veut ; sans cela je ne descendrai jamais de la croix où sa bonté m’a mis. »
La lettre écrite, Charles Garnier la remit au messager et reprenant la conversation :
— Mon frère était à la prise du bourg Saint-Louis ? demanda-t-il au Cerf-Rusé qui fumait assis près du feu.
— Oui, répondit le Huron, et comme les Robes-Noires j’étais destiné aux flammes, mais je réussis à m’échapper.
— Tu as vu mourir nos Pères ?
— J’ai vu mourir Héchon… Pendant qu’on