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demanda gravement l’abbesse. On l’a dit : le bonheur est comme ces essences capiteuses qu’on ne peut prendre sans danger qu’à très petites doses, et encore… bien mélangées. Laissez faire le bon Dieu ; et, s’il vous envoie la douleur…

— La douleur ! répéta Gisèle.

— Oui, la douleur… la douleur qui élève l’âme… qui fortifie le cœur… qui l’arrache aux illusions de la vie, c’est-à-dire à ce qui aveugle… à ce qui empêche de voir le chemin tel qu’il est : court et mauvais. Les illusions, ma chère enfant, ne sont que des ombres qui nous cachent les épines et l’issue de la route. Heureusement, ajouta l’abbesse avec une expression touchante, ces ombres-là, à l’encontre des autres, vont s’éclaircissant, se dissipant à l’approche du soir.

Le son de la cloche arriva, doux et triste, jusqu’à elles.

— Le coup des vêpres, dit l’abbesse, se levant. M. Garnier m’écrit qu’il viendra vous chercher demain… Allez faire vos préparatifs… Mais je veux entendre encore une fois votre voix… Vous chanterez à la messe, demain matin.