livrer à ses bourreaux plutôt que de la violer. Ah, soyez-en sûre, mademoiselle, parmi nos sauvages il y en a qui ont de la générosité et de la grandeur d’âme.
— Ahatsistari a souffert une mort bien cruelle ?
Le P. Jogues ferma les yeux, comme pour se soustraire à une vision d’horreur, et fut quelques instants sans rien dire ; puis il reprit :
— Les Iroquois commencèrent par lui couper les deux pouces, et par la plaie de la main gauche, poussèrent jusqu’au coude un bâton très aigu…
Comme je pleurais, en le voyant si horriblement traité, il craignit que les Iroquois ne vissent dans mes larmes un manque de courage, et leur dit, avec sa fierté sauvage : S’il pleure c’est parce qu’il m’aime ; quand vous l’avez tourmenté, vous ne l’avez pas vu pleurer. Il fut brûlé vif ainsi que son neveu, Paul Ononchoraton, jeune homme de vingt-cinq ans. Comme son oncle, celui-ci possédait une force d’âme à toute épreuve et la plus admirable générosité. Quand les Iroquois s’approchaient pour me faire subir quelque supplice, Paul Ononchoraton s’offrait à eux… les conjurait de m’épargner et d’exercer plutôt sur lui leur cruauté… Comme son oncle, il passa par le feu,