Page:Conan - À l’oeuvre et à l’épreuve - 1893.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pourtant, un sourire involontaire effleura les lèvres de la jeune fille, et une flamme joyeuse s’alluma au fond de ses beaux yeux.

Cette flamme s’éteignit bien vite sous les larges paupières richement frangées ; mais la mère Angélique s’aperçut que ses paroles avaient manqué leur effet et resta un instant songeuse.

Elle savait que cette enfant privilégiée avait reçu, mille fois plus que les natures moyennes, la puissance redoutable d’aimer et de souffrir. Il lui semblait terrible de mettre cette âme ailée aux prises avec la réalité toujours chétive. C’est au fond d’un cloître qu’elle aurait voulu ensevelir Gisèle Méliand.

— Vous avez seize ans ? demanda-t-elle.

— Seize ans et demi, ma mère.

— Vous tenez encore aux fractions, répliqua l’abbesse, qui sourit. M. Garnier ne m’a pas laissée ignorer ses projets… Il dit des merveilles de son fils… Jamais union n’a paru mieux assortie. Pourtant, croyez-moi, le bonheur n’est pas de ce monde, et les cœurs ardents l’y trouvent encore moins que les autres… Ce qu’on jette dans les cœurs ardents est si vite consumé !

— Je voudrais bien être heureuse pourtant, murmura Gisèle.

— Savez-vous ce que le bonheur ferait de vous ?