n’y a pas de quoi je vous l’assure, car, malgré la faim, le froid et les incommodités inconcevables, j’ai ici plus de bonheur en un jour, que je n’en aurais eu ailleurs en toute ma vie.
Croyez-moi, plus on est éloigné des consolations humaines, plus Dieu s’empare du cœur, et lui fait sentir combien son amour l’emporte sur toutes les douceurs imaginables qui se peuvent trouver dans les créatures. Ah ! Gisèle, quelle grâce Dieu m’a faite en m’appelant à l’apostolat, en me choisissant de préférence à tant d’autres pour venir ici porter sa croix !
J’arrivai le 13 août au soir.
Le P. de Brébeuf vint me recevoir à mon canot.
Je vous avoue que je fus touché en l’apercevant. Tout en lui respirait si fort la grande, la sainte, la bienheureuse pauvreté.
Il a vieilli. Ses épaules puissantes se sont un peu courbées. On sent qu’il s’est heurté à de formidables obstacles, on sent qu’il a porté dans la solitude le poids écrasant de l’amour de Jésus-Christ.
Et comment vous dire mon émotion quand je me vis au terme de mon voyage ! quand, au sortir de la forêt, j’aperçus les toiles d’écorce d’Ihonatiria et la grande croix rouge érigée devant notre cabane !