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Souvent il s’arrêtait dans sa prière, et avec une impatience ardente et pleine de joie, interrogeait du regard les rives solitaires de la grande baie Géorgienne.

— Ihonatiria ?… demandait-il de temps à autre à ses guides.

Ceux-ci impassibles continuaient toujours de ramer sans desserrer les dents.

Mais vers le soir, comme on entrait dans une anse, Kionché, commandant du canot, attira l’attention du jésuite qui lisait son bréviaire, et levant sa rame dans la direction du bois, murmura quelques paroles où celui-ci ne comprit que le seul mot : Ihonatiria.

On était au terme du voyage.

Charles Garnier regarda la sombre forêt… le rivage inconnu… les grossiers sauvages qui l’entouraient… et une mortelle tristesse envahit tout à coup son cœur.

Sa pensée s’envola vers sa patrie, vers sa famille si aimable, si aimée, et cachant son front entre ses mains, il revit Bois-Belle… la flamme du foyer… le bonheur qui rayonnait autour de lui à son arrivée… Toutes les tendresses, toutes les joies sacrifiées passèrent devant ses yeux fermés et la vie qui l’attendait lui apparut ce qu’elle était — plus horrible que mille morts.