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et qui ne s’opérera pas d’un coup, mais qui sera de tous les instants, jusqu’à la dernière heure de son dernier jour : il devra mourir à lui-même, non seulement à toutes les délicatesses et à tous les besoins du corps, mais à toutes les nécessités ordinaires du cœur et de l’âme. Le missionnaire n’a pas de demeure fixe, pas d’asile passager, pas une pierre où reposer sa tête ; il n’a pas d’ami, pas de confident, pas de secours spirituel permanent et facile. Il court à travers de vastes espaces. Quelques chrétiens cachés sur un territoire immense, voilà sa paroisse et son troupeau. Il en fait la visite incessante à travers des périls incessants. Trois sortes d’ennemis l’entourent sans relâche : le climat, les bêtes féroces et les plus cruels de tous, les hommes.

« Si Dieu lui impose le fardeau d’une longue vie, il vieillira dans ce dénûment terrible ; et chaque jour l’amertume des ans comblera et fera déborder le vase de ses douleurs. Il n’aura plus cette vigueur du corps et ces ardeurs premières de l’âme qui donnent un charme à la fatigue, un attrait au danger, une saveur même au pain de l’exil. Il se traînera sur les chemins arrosés des sueurs de sa jeunesse, et qui n’ont pas fleuri. Il portera dans son âme ce deuil qui fut le fiel et l’absinthe aux lèvres de l’Homme Dieu, le deuil