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de nos sauvages qui n’ont pas fait de cache en descendant.

Gisèle, je me demande souvent si je ne rêve pas — si c’est bien vrai que je m’en vais à Saint-Joseph d’Ihonatiria. Mon cœur surabonde d’une joie qui n’a pas d’expression. Oh, que Dieu est admirable dans ses voies ! Comment tout cela s’est-il fait ? comment ai-je rompu tout mes liens ? comment ai-je compris que le vrai bonheur, le grand bonheur c’est Dieu seul ?…

Je ne saurais dire. La lumière s’est faite en moi doucement, invinciblement — comme le jour descend.

J’ai quitté Québec, le 1er juillet, avec le P. Chastelain. Afin de donner aux sauvages une haute idée des missionnaires, le gouverneur vint nous reconduire jusqu’à nos canots, et au fort, on nous salua de trois coups de canon.

Je ne sais quoi me disait au fond du cœur que je ne reverrais plus Québec. À mesure que je m’éloignais, cette conviction grandissait en moi. Mais je ne me sentais pas triste. Au contraire. C’est avec un sentiment de paix profonde que je répétais : Voluntas tua, voluptas mea.

De Québec aux Trois-Rivières, c’est toujours la solitude. Pas la moindre habitation sur le rivage, pas une voile sur le grand fleuve.