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Une ombre douloureuse passa sur le front de Charles.

— Il faut bien se remettre au travail, dit-il ; un homme ne peut pas passer sa vie à fainéanter.

— Non, sans doute. Qu’est-ce que cet in-folio que vous lisiez avec une attention si forte ?

— Les Actes des martyrs, répondit-il, de sa voix sérieuse et douce. Ah, Gisèle, la belle lecture !… Comme Jésus-Christ a été aimé sur notre pauvre terre !… qu’est-ce qu’on ne lui a pas sacrifié !…

Quelque chose dans son accent fit pâlir Gisèle, qui le regarda sans rien dire.

— Et, pour ne parler que des jeunes filles comme vous, poursuivit-il, combien ont préféré, à toutes les joies de la vie, le bonheur de souffrir et de mourir pour lui !… C’est un enchanteur, acheva-t-il, d’un air ravi.

— Celles qui n’aiment que lui sont bien heureuses, dit-elle à voix basse. Elles n’ont à craindre ni indifférence, ni froideur.

— Il y a encore d’autres avantages, continua-t-il, souriant. Lui seul répond à notre besoin d’être attirés, subjugués, ravis. Vous le savez, Gisèle, tous les feux de la terre font de la fumée, finissent par s’éteindre.

— Vous croyez cela ? demanda-t-elle, avec un étrange accent.