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organisation fondamentale n’exigeait pas, et qui dès lors pourra diminuer un jour sous un meilleur régime moral. Quoi qu’il en soit de cette conjecture, il demeure incontestable que la pensée théologique est, de sa nature, essentiellement individuelle, et jamais directement collective. Aux yeux de la foi, surtout monothéique, la vie sociale n’existe pas, à défaut d’un but qui lui soit propre ; la société humaine ne peut alors offrir immédiatement qu’une simple agglomération d’individus, dont la réunion est presque aussi fortuite que passagère et qui, occupés chacun de son seul salut, ne conçoivent la participation à celui d’autrui que comme un puissant moyen de mieux mériter le leur en obéissant aux prescriptions suprêmes qui en ont imposé l’obligation. Notre respectueuse admiration sera toujours bien due assurément à la prudence sacerdotale qui, sous l’heureuse impulsion d’un instinct public, a su retirer longtemps une haute utilité pratique d’une si imparfaite philosophie. Mais cette juste reconnaissance ne saurait aller jusqu’à prolonger artificiellement ce régime initial au-delà de sa destination provisoire, quand l’âge est enfin venu d’une économie plus conforme à l’ensemble de notre nature, intellectuelle et affective.

L’esprit positif, au contraire, est directement social, autant que possible, et sans aucun effort par suite de sa réalité caractéristique. Pour lui, l’homme proprement dit n’existe pas, il ne peut exister que l’Humanité, puisque tout notre développement est dû à la société, sous quelque rapport qu’on l’envisage. Si l’idée de société semble encore une abstraction de notre intelligence, c’est surtout en vertu de l’ancien régime philosophique ; car, à vrai dire, c’est à l’idée