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profondément, il faut reconnaître que, à cet égard, comme sous tout autre aspect, la métaphysique dérive, aussi bien dogmatiquement qu’historiquement, de la théologie elle-même, dont elle ne pouvait jamais constituer qu’une modification dissolvante. En effet, ce caractère de personnalité constante appartient surtout, avec une énergie plus directe, à la pensée théologique, toujours préoccupée, chez chaque croyant, d’intérêts essentiellement individuels, dont l’immense prépondérance absorbe nécessairement toute autre considération, sans que le plus sublime dévouement puisse en inspirer l’abnégation véritable, justement regardée alors comme une dangereuse aberration. Seulement l’opposition fréquente de ces intérêts chimériques avec les intérêts réels a fourni à la sagesse sacerdotale un puissant moyen de discipline morale, qui a pu souvent commander, au profit de la société, d’admirables sacrifices, qui pourtant n’étaient tels qu’en apparence, et se réduisaient toujours à une prudente pondération d’intérêts. Les sentiments bienveillants et désintéressés, qui sont propres à la nature humaine, ont dû, sans doute, se manifester à travers un tel régime, et même, à certains égards, sous son impulsion indirecte ; mais, quoique leur essor n’ait pu être ainsi comprimé, leur caractère en a dû recevoir une grave altération, qui probablement ne nous permet pas encore de connaître pleinement leur nature et leur intensité, faute d’un exercice propre et direct. Il y a tout lieu de présumer d’ailleurs que cette habitude continue de calculs personnels envers les plus chers intérêts du croyant a développé, chez l’homme, même à tout autre égard, par voie d’affinité graduelle, un excès de circonspection, de prévoyance, et finalement d’égoïsme, que son