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nécessaire de toute saine morale. L’antique régime mental ne pouvait le stimuler qu’à l’aide de pénibles artifices indirects, dont le succès réel devait être fort imparfait, vu la tendance essentiellement personnelle d’une telle philosophie, quand la sagesse sacerdotale n’en contenait pas l’influence spontanée. Cette nécessité est maintenant reconnue, du moins empiriquement, quant à l’esprit métaphysique proprement dit, qui n’a jamais pu aboutir, en morale, à aucune autre théorie effective que le désastreux système de l’égoïsme, si usité aujourd’hui, malgré beaucoup de déclamations contraires : même les sectes ontologiques qui ont sérieusement protesté contre une semblable aberration n’y ont finalement substitué que de vagues ou incohérentes notions, incapables d’efficacité pratique. Une tendance aussi déplorable, et néanmoins aussi constante, doit avoir de plus profondes racines qu’on ne le suppose communément. Elle résulte surtout, en effet, de la nature nécessairement personnelle d’une telle philosophie, qui, toujours bornée à la considération de l’individu, n’a jamais pu embrasser réellement l’étude de l’espèce, par une suite inévitable de son vain principe logique, essentiellement réduit à l’intuition proprement dite, qui ne comporte évidemment aucune application collective. Ses formules ordinaires ne font que traduire naïvement son esprit fondamental ; pour chacun de ses adeptes, la pensée dominante est constamment celle du moi : toutes les autres existences quelconques, même humaines, sont confusément enveloppées dans une seule conception négative, et leur vague ensemble constitue le non-moi ; la notion du nous n’y saurait trouver aucune place directe et distincte. Mais, en examinant ce sujet encore plus