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d’une vraie systématisation morale chez ces esprits émancipés, elle ne pourra dès lors reposer que sur des bases positives, qui finalement seront ainsi jugées indispensables, Quant à borner leur destination à la classe éclairée, outre qu’une telle restriction ne saurait changer la nature de cette grande construction philosophique, elle serait évidemment illusoire en un temps où la culture mentale que suppose ce facile affranchissement est déjà devenue très commune, ou plutôt presque universelle, du moins en France. Ainsi, l’empirique expédient suggéré par le vain désir de maintenir, à tout prix, l’antique régime intellectuel, ne peut finalement aboutir qu’à laisser indéfiniment dépourvus de toute doctrine morale la plupart des esprits actifs, comme on le voit trop souvent aujourd’hui.


C’est donc surtout au nom de la morale qu’il faut désormais travailler ardemment à constituer enfin l’ascendant universel de l’esprit positif, pour remplacer un système déchu qui, tantôt impuissant, tantôt perturbateur, exigerait de plus en plus la compression mentale en condition permanente de l’ordre moral. La nouvelle philosophie peut seule établir aujourd’hui, au sujet de nos divers devoirs, des convictions profondes et actives, vraiment susceptibles de soutenir avec énergie le choc des passions. D’après la théorie positive de l’Humanité, d’irrécusables démonstrations, appuyées sur l’immense expérience que possède maintenant notre espèce, détermineront exactement l’influence réelle, directe ou indirecte, privée et publique, propre à chaque acte, à chaque habitude, et à chaque penchant ou sentiment ; d’où résulteront naturellement, comme autant d’inévitables corollaires, les rè-