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ils ne peuvent conserver aucune efficacité réelle aussitôt qu’ils ne dominent plus. Il n’existe donc aucune alternative durable, entre fonder enfin la morale sur la connaissance positive de l’Humanité, et la laisser reposer sur l’injonction surnaturelle : les convictions rationnelles ont pu seconder les croyances théologiques, ou plutôt s’y substituer graduellement, à mesure que la foi s’est éteinte ; mais la combinaison inverse ne constitue certainement qu’une utopie contradictoire, où le principal serait subordonné à l’accessoire.

Une judicieuse exploration du véritable état de la société moderne représente donc comme de plus en plus démentie, par l’ensemble des faits journaliers, la prétendue impossibilité de se dispenser désormais de toute théologie pour consolider la morale ; puisque cette dangereuse liaison a dû devenir, depuis la fin du moyen âge, triplement funeste à la morale, soit en énervant ou discréditant ses bases intellectuelles, soit en y suscitant des perturbations directes, soit en y empêchant une meilleure systématisation. Si, malgré d’actifs principes de désordre, la moralité pratique s’est réellement améliorée, cet heureux résultat ne saurait être attribué à l’esprit théologique, alors dégénéré, au contraire, en un dangereux dissolvant : il est essentiellement dû à l’action croissante de l’esprit positif, déjà efficace sous sa forme spontanée, consistant dans le bon sens universel, dont les sages inspirations ont secondé l’impulsion naturelle de notre civilisation progressive pour combattre utilement les diverses aberrations, surtout celles qui émanaient des divagations religieuses. Lorsque, par exemple, la théologie protestante tendait à altérer gravement l’institution du mariage par la consécration formelle du divorce, la raison