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à la crise. Enfin, le développement de cette réaction rétrograde dut ensuite déterminer une mémorable manifestation que nos lacunes philosophiques rendaient aussi indispensable qu’inévitable, afin de démontrer irrévocablement que le progrès constitue, tout autant que l’ordre, l’une des deux conditions fondamentales de la civilisation moderne.

Le concours naturel de ces deux épreuves irrécusables, dont le renouvellement est maintenant devenu aussi impossible qu’inutile, nous a conduits aujourd’hui à cette étrange situation où rien de vraiment grand ne peut être entrepris, ni pour l’ordre, ni pour le progrès, faute d’une philosophie réellement adaptée à l’ensemble de nos besoins. Tout sérieux effort de réorganisation s’arrête bientôt devant les craintes de rétrogradation qu’il doit naturellement inspirer, en un temps où les idées d’ordre émanent encore essentiellement du type ancien, devenu justement antipathique aux populations actuelles : de même, les tentatives d’accélération directe de la progression politique ne tardent pas à être radicalement entravées par les inquiétudes très légitimes qu’elles doivent susciter sur l’imminence de l’anarchie, tant que les idées de progrès restent surtout négatives. Comme avant la crise, la lutte apparente demeure donc engagée entre l’esprit théologique, reconnu incompatible avec le progrès, qu’il a été conduit à nier dogmatiquement, et l’esprit métaphysique, qui, après avoir abouti, en philosophie, au doute universel, n’a pu tendre, en politique, qu’à constituer le désordre, ou un état équivalent de non gouvernement. Mais, d’après le sentiment unanime de leur commune insuffisance, ni l’un ni l’autre ne peut plus inspirer désormais, chez les gouvernants ou chez