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éminents penseurs contemporains la jugent ainsi assez accomplie pour avoir déjà posé les véritables bases directes de l’entière rénovation mentale projetée par Bacon et Descartes, mais dont l’exécution, décisive était réservée à notre siècle.



Pour que cette systématisation finale des conceptions humaines soit aujourd’hui assez caractérisée, il ne suffit pas d’apprécier, comme nous venons de le faire, sa destination théorique ; il faut aussi considérer ici, d’une manière distincte quoique sommaire, son aptitude nécessaire à constituer la seule issue intellectuelle que puisse réellement comporter l’immense crise sociale développée, depuis un demi-siècle, dans l’ensemble de l’occident européen et surtout en France.


Tandis que s’y accomplissait graduellement, pendant les cinq derniers siècles, l’irrévocable dissolution de la philosophie théologique, le système politique dont elle formait la base mentale subissait de plus en plus une décomposition non moins radicale, pareillement présidée par l’esprit métaphysique. Ce double mouvement négatif avait pour organes essentiels et solidaires, d’une part, les universités, d’abord émanées mais bientôt rivales de la puissance sacerdotale ; d’une autre part, les diverses corporations de légistes, graduellement hostiles aux pouvoirs féodaux : seulement, à mesure que l’action critique se disséminait, ses agents, sans changer de nature, devenaient plus nombreux et plus subalternes ; en sorte que, au dix-huitième siècle, la principale activité révolutionnaire dut passer, dans l’ordre philosophique, des docteurs pro-