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depuis Descartes et Bacon, ne laissent donc désormais d’autre issue possible que de constituer enfin, après tant de préambules nécessaires, l’état vraiment normal de la raison humaine, en procurant à l’esprit positif la plénitude et la rationalité qui lui manquent encore, de manière à établir, entre le génie philosophique et le bon sens universel, une harmonie qui jusqu’ici n’avait jamais pu exister suffisamment. Or, en étudiant ces deux conditions simultanées, de complément et de systématisation, que doit aujourd’hui remplir la science réelle pour s’élever à la dignité d’une vraie philosophie, on ne tarde pas à reconnaître qu’elles coïncident finalement. D’une part, en effet, la grande crise initiale de la positivité moderne n’a essentiellement laissé en dehors du mouvement scientifique proprement dit que les théories morales et sociales, dès lors restées dans un irrationnel isolement, sous la stérile domination de l’esprit théologico-métaphysique : c’est donc à les amener aussi à l’état positif que devait surtout consister, de nos jours, la dernière épreuve du véritable esprit philosophique, dont l’extension successive à tous les autres phénomènes fondamentaux se trouvait déjà assez ébauchée. Mais, d’une autre part, cette dernière expansion de la philosophie naturelle tendait spontanément à la systématiser aussitôt, en constituant l’unique point de vue, soit scientifique, soit logique, qui puisse dominer l’ensemble de nos spéculations réelles, toujours nécessairement réductibles à l’aspect humain, c’est-à-dire social, seul susceptible d’une active universalité. Tel est le double but philosophique de l’élaboration fondamentale, à la fois spéciale et générale, que j’ai osé entreprendre dans le grand ouvrage indiqué au début de ce Discours : les plus