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primitif des connaissances réelles, entrave profondément la marche systématique qu’elles doivent prendre désormais, en empêchant le sentiment fondamental de l’invariabilité des lois physiques d’acquérir enfin son indispensable plénitude philosophique. Car, la pensée continue d’une subite perturbation arbitraire dans l’économie naturelle doit toujours rester inséparable, au moins virtuellement, de toute théologie quelconque, même réduite autant que possible. Sans un tel obstacle, en effet, qui ne peut cesser que par l’entière désuétude de l’esprit théologique, le spectacle journalier de l’ordre réel aurait déjà déterminé une adhésion universelle au principe fondamental de la philosophie positive.

Plusieurs siècles avant que l’essor scientifique permît d’apprécier directement cette opposition radicale, la transition métaphysique avait tenté, sous sa secrète impulsion, de restreindre, au sein même du monothéisme, l’ascendant de la théologie, en faisant abstraitement prévaloir, dans la dernière période du moyen âge, la célèbre doctrine scolastique qui assujettit l’action effective du moteur suprême à des lois invariables, qu’il aurait primitivement établies en s’interdisant de jamais les changer. Mais cette sorte de transaction spontanée entre le principe théologique et le principe positif ne comportait, évidemment, qu’une existence passagère, propre à faciliter davantage le déclin continu de l’un et le triomphe graduel de l’autre. Son empire était même essentiellement borné aux esprits cultivés ; car, tant que la foi subsista réellement, l’instinct populaire dut toujours repousser avec énergie une conception qui, au fond, tendait à annuler le pouvoir providentiel, en le condamnant à une sublime