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pleinement démontrer ainsi combien l’esprit théologique a dû être longtemps indispensable à la combinaison permanente des idées morales et politiques, encore plus spécialement qu’à celle de toutes les autres, soit en vertu de leur complication supérieure, soit parce que les phénomènes correspondants, primitivement trop peu prononcés, ne pouvaient acquérir un développement caractéristique que d’après un essor très prolongé de la civilisation humaine. C’est une étrange inconséquence, à peine excusable par la tendance aveuglément critique de notre temps, que de reconnaître, pour les anciens, l’impossibilité de philosopher sur les simples sujets autrement que suivant le mode théologique, et de méconnaître néanmoins, surtout chez les polythéistes, l’insurmontable nécessité d’un régime analogue envers les spéculations sociales. Mais il faut sentir, en outre, quoique je ne puisse l’établir ici, que cette philosophie initiale n’a pas été moins indispensable à l’essor préliminaire de notre sociabilité qu’à celui de notre intelligence, soit pour constituer primitivement quelques doctrines communes, sans lesquelles le lien social n’aurait pu acquérir ni étendue ni consistance, soit en suscitant spontanément la seule autorité spirituelle qui pût alors surgir.


Quelque sommaires que dussent être ici ces explications générales sur la nature provisoire et la destination préparatoire de la seule philosophie qui convînt réellement à l’enfance de l’Humanité, elles font aisément sentir que ce régime initial diffère trop profondément, à tous égards, de celui que nous allons voir correspondre à la virilité mentale, pour que le passage graduel de l’un à l’autre pût originairement s’opérer,