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un meilleur régime logique. Cette aptitude fondamentale fut, au reste, puissamment secondée par la prédilection originaire de l’esprit humain pour les questions insolubles que poursuivait surtout cette philosophie primitive. Nous ne pouvions mesurer nos forces mentales, et, par suite, en circonscrire sagement la destination qu’après les avoir suffisamment exercées. Or, cet indispensable exercice ne pouvait d’abord être déterminé, surtout dans les plus faibles facultés de la nature, sans l’énergique stimulation inhérente à de telles études, où tant d’intelligences mal cultivées persistent encore à chercher la plus prompte et la plus complète solution des questions directement usuelles. Il a même longtemps fallu, afin de vaincre suffisamment notre inertie native, recourir aussi aux puissantes illusions que suscitait spontanément une telle philosophie sur le pouvoir presque indéfini de l’homme pour modifier à son gré un monde alors conçu comme essentiellement ordonné à son usage, et qu’aucune grande loi ne pouvait encore soustraire à l’arbitraire suprématie des influences surnaturelles. À peine y a-t-il trois siècles que, chez l’élite de l’Humanité, les espérances astrologiques et alchimiques, dernier vestige scientifique de cet esprit primordial, ont réellement cessé de servir à l’accumulation journalière des observations correspondantes, comme Képler et Berthollet l’ont respectivement indiqué.

Le concours décisif de ces divers motifs intellectuels serait, en outre, puissamment fortifié si la nature de ce Traité me permettait d’y signaler suffisamment l’influence irrésistible des hautes nécessités sociales, que j’ai convenablement appréciées dans l’ouvrage fondamental mentionné au début de ce Discours. On peut d’abord