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contagion métaphysique, repoussée seulement par leur raison naturelle. Quoique l’on doive espérer, à ce titre, que les gouvernements actuels sentiront bientôt combien l’universelle propagation des connaissances réelles peut seconder de plus en plus leurs efforts continus pour le difficile maintien d’un ordre indispensable, il ne faut pas encore attendre d’eux, ni même en désirer, une coopération vraiment active à cette grande préparation rationnelle, qui doit longtemps résulter surtout d’un libre zèle privé, inspiré et soutenu par de véritables convictions philosophiques. L’imparfaite conservation d’une grossière harmonie politique sans cesse compromise au milieu de notre désordre mental et moral, absorbe trop justement leur sollicitude journalière, et les tient même placés à un point de vue trop inférieur, pour qu’ils puissent dignement comprendre la nature et les conditions d’un tel travail, dont il faut seulement leur demander d’entrevoir l’importance. Si, par un zèle intempestif, ils tentaient aujourd’hui de le diriger, ils ne pourraient aboutir qu’à l’altérer profondément, de manière à compromettre beaucoup sa principale efficacité, en ne le rattachant pas à une philosophie assez décisive, ce qui le ferait bientôt dégénérer en une incohérente accumulation de spécialités superficielles. Ainsi, l’école positive, résultée d’un actif concours volontaire des esprits vraiment philosophiques, n’aura longtemps à demander à nos gouvernements occidentaux, pour accomplir convenablement son grand office social, qu’une pleine liberté d’exposition et de discussion, équivalente à celle dont jouissent déjà l’école théologique et l’école métaphysique. L’une peut, chaque jour, dans ses mille tribunes sacrées, préconiser, à son gré, l’excellence absolue de