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un simple mouvement philosophique, dont le premier et le principal résultat social consistera, en effet, à constituer solidement une active morale universelle, prescrivant à chaque agent, individuel ou collectif, les règles de conduite les plus conformes à l’harmonie fondamentale. Plus on méditera sur cette relation naturelle, mieux on reconnaîtra que cette mutation décisive, qui ne pouvait émaner que de l’esprit positif, ne peut aujourd’hui trouver un solide appui que chez le peuple proprement dit, seul disposé à la bien comprendre et à s’y intéresser profondément. Les préjugés et les passions propres aux classes supérieures ou moyennes, s’opposent conjointement à ce qu’elle y soit d’abord suffisamment sentie, parce qu’on y doit être ordinairement plus touché des avantages inhérents à la possession du pouvoir que des dangers résultés de son vicieux exercice. Si le peuple est maintenant et doit rester désormais indifférent à la possession directe du pouvoir politique, il ne peut jamais renoncer à son indispensable participation continue au pouvoir moral, qui, seul vraiment accessible à tous, sans aucun danger pour l’ordre universel, et, au contraire, à son grand avantage journalier, autorise chacun, au nom d’une commune doctrine fondamentale, à rappeler convenablement les plus hautes puissances à leurs divers devoirs essentiels. À la vérité, les préjugés inhérents à l’état transitoire ou révolutionnaire ont dû trouver aussi quelque accès parmi nos prolétaires ; ils y entretiennent, en effet, de fâcheuses illusions sur la portée indéfinie des mesures politiques proprement dites ; ils y empêchent d’apprécier combien la juste satisfaction des grands intérêts populaires dépend aujourd’hui davantage des opinions et des mœurs que des institu-