Page:Comte - Discours sur l’esprit positif.djvu/110

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui rapproche spontanément nos prolétaires de la véritable classe contemplative, du moins quand celle-ci aura pris enfin les mœurs correspondantes à sa destination sociale. Cette heureuse disposition, aussi favorable à l’ordre universel qu’à la vraie félicité personnelle, acquerra un jour beaucoup d’importance normale, d’après la systématisation des rapports généraux qui doivent exister entre ces deux éléments extrêmes de la société positive. Mais, dès ce moment, elle peut faciliter essentiellement leur union naissante, en suppléant au peu de loisir que les occupations journalières laissent à nos prolétaires pour leur instruction spéculative. Si, en quelques cas exceptionnels d’extrême surcharge, cet obstacle continu semble, en effet, devoir empêcher tout essor mental, il est ordinairement compensé par ce caractère de sage imprévoyance qui, dans chaque intermittence naturelle des travaux obligés, rend à l’esprit une pleine disponibilité. Le vrai loisir ne doit manquer habituellement que dans la classe qui s’en croit spécialement douée ; car, à raison même de sa fortune et de sa position, elle reste communément préoccupée d’actives inquiétudes, qui ne comportent presque jamais un véritable calme, intellectuel et moral. Cet état doit être facile, au contraire, soit aux penseurs, soit aux opérateurs, d’après leur commun affranchissement spontané des soucis relatifs à l’emploi des capitaux, et indépendamment de la régularité naturelle de leur vie journalière.

Quand ces différentes tendances, mentales et morales, auront convenablement agi, c’est donc parmi les prolétaires que devra le mieux se réaliser cette universelle propagation de l’instruction positive, condition indispensable à l’accomplissement graduel de la