Page:Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, tome 002, 1836.djvu/390

Cette page n’a pas encore été corrigée

Après la communication de M. Poisson qu’on vient de lire, une discussion s’est élevée dans le sein de l’Académie, au sujet des applications du calcul des probabilités à des questions du monde moral. MM. Poinsot, Dupin, Navier, ont successivement pris la parole. Voici le résumé succinct des opinions énoncées par ces mois académiciens.

» Le calcul des probabilités dans les choses morales, telles que les jugements des tribunaux, ou les votes des assemblées, paraît à M. Poinsot une fausse application de la science mathématique ; il pense qu’on n’en peut tirer aucune conséquence qui puisse servir à perfectionner les décisions des hommes. Suivant M. Laplace lui-même, la théorie des probabilités tient à des considérations si délicates, qu’il n’est pas surprenant qu’avec les mêmes données deux personnes trouvent des résultats différents, surtout dans les questions très compliquées ; d’où M. Poinsot pourrait conclure que la théorie des probabilités est si délicate qu’il est très probable que les géomètres se trompent souvent dans cette analyse ; de sorte qu’après avoir calculé la probabilité de l’erreur dans une certaine chose, il faudrait calculer la probabilité de l’erreur dans son calcul. Cette idée seule d’un calcul applicable à des choses où se mêlent les lumières imparfaites, l’ignorance et les passions des hommes, pouvait faire une illusion dangereuse pour quelques esprits, et c’était surtout cette considération qui avait déterminé M. Poinsot à prendre un moment la parole sur une question si peu géométrique. »

Observations de M. Charles Dupin. — « Notre confrère M. Poisson semble nous assurer qu’en réunissant un très grand nombre de jugements par jurés, les disproportions qu’on peut remarquer sur de petits nombres entre les acquittements et les condamnations, diminuent et s’effacent, pour ainsi dire, indépendamment de toutes circonstances sociales.

» À cet égard je fais une première observation : elle est relative aux différences énormes entre les acquittements et les condamnations par les jurys actuels et par les jurys du tribunal révolutionnaire.

» Oui, Messieurs, à peine trouveriez-vous pour moyenne des acquittements de ce tribunal, 5 contre 100 ; tandis que nos tribunaux actuels présentent, d’après les nombres mêmes rapportés par notre savant confrère, 39, 40 et 41 acquittements contre 61, 60 et 59 condamnations.

» Mais ce qu’il y a de plus remarquable et de plus déplorable, c’est que les acquittements, qui, dans le principe du tribunal révolutionnaire, étaient