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seau de triangles primordiaux ayant pour sommets les points culminants du sol et des monuments les plus remarquables. Une triangulation du second ordre rattache à ces repères principaux tous les points essentiels dans les topographies locales. Enfin le cadastre, partant de ces derniers réseaux, les remplit en mesurant par voie d’arpentage les propriétés distinctes qui couvrent le sol français.

Quand les triangulations seront complètes, elles donneront la position de quarante mille points mathématiquement déterminés par l’azimuth, la latitude, la longitude et l’altitude, c’est-à-dire la hauteur au-dessus du niveau moyen des mers.

Depuis 1830, il faut l’avouer, ces triangulations ont été poursuivies avec lenteur. Une mesure peu scientifique a détruit le corps des ingénieurs géographes, exclusivement alimenté jusqu’en 1831 par l’École Polytechnique. Confondus désormais avec les officiers d’état-major, assujettis à des services étrangers à la géométrie et plus favorables aux récompenses que décerne le pouvoir, les vrais géographes de la Carte de France diminueront en nombre comme en travail spécial ; ils n’auront plus ces occupations exclusives qui conduisent exclusivement à la supériorité. Formons au moins des vœux pour que ceux qui vivent encore soient tous employés à finir le grand ouvrage qu’ils ont commencé. Ce serait une honte pour le 19e siècle et pour un gouvernement ami des arts, si, dans ses mains, une entreprise illustre du régime déchu s’achevait en dégénérant, et si l’on substituait des travaux militairement expéditifs à des travaux laborieusement scientifiques. Disons-le hautement : ce ne sera ni la dépense totale, ni la beauté de la gravure, ni la grande échelle des planches qui feront de la Carte de France un monument digne du peuple français ; ce sera la rigueur, la précision mathématique apportée dans l’ensemble et dans le détail des opérations. Voilà la perfection qu’il appartient à l’Académie des Sciences de réclamer comme une gloire nationale à laquelle on doit porter un respect religieux !

La position mathématique de tous les points importants déterminée, il restait à décrire la nature même du sol. Tel est l’objet qu’atteint la Carte géologique de France, entreprise dans l’intérêt des sciences naturelles et des arts industriels. Essayée, il y a soixante ans, sous le patronage de Lavoisier, interrompue par la révolution, elle fut reprise en 1825 par trois élèves de l’École Polytechnique ; le premier en grade comme en âge, M. Brochant, déjà membre de l’Académie et directeur de l’entreprise dont il a donné le plan ; le second, appelé dans cette année, dans ce mois même, à siéger parmi nous ; le troisième, admis au premier rang parmi les concurrents et les émules de ce célèbre collaborateur.