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Je me reposai trois jours et recommençai une saison de vingt autres bains. Ils étaient de deux heures chaque, comme les précédens. Je ne bus point de l’eau de la source. De temps à autre j’éprouvais quelque réminiscence de la colite dont j’avais été affecté en dernier lieu, et je demandais à interrompre le traitement ; mais le docteur demeurait inexorable, et force était de continuer. Je ne m’aperçus d’abord d’aucun changement bien sensible ; mais on m’affirma que je n’éprouverais les bons effets des eaux que plus tard. Fort de cette flatteuse prophétie, je partis après deux mois de séjour et de traitemens. À mon retour, on me trouva le teint meilleur, l’œil plus vif et un air de vitalité que j’étais loin d’avoir avant mon départ. Pour la première fois depuis six ans je passai un bon hiver. Heureux de cette amélioration, je retournai aux eaux l’année suivante pour y puiser de nouvelles forces, et je n’ai eu qu’à me féliciter de cette récidive. Je laisse maintenant aux médecins à expliquer comme ils l’entendront, et chacun d’après leur opinion personnelle, quelles ont été les véritables causes de mon rétablissement ; quant à moi, je ne puis m’empêcher de l’attribuer aux eaux elles-mêmes. Je connais tous les grands avantages qu’on peut retirer, pour certaines affections, de la promenade, de la distraction et des charmes de la vie sociale ; mais qu’on le remarque, je n’étais point en position de profiter de ces précieuses ressources. Je dois dire, cependant, que dans les premiers jours de mon arrivée j’éprouvai un grand bonheur à jouir d’une entière liberté et surtout d’un repos absolu de corps et d’esprit ; mais j’ajouterai que la monotonie de cette existence ne tarda point à m’être à charge, et que bientôt je regrettai mes occupations et jusqu’à mes tracas eux-mêmes. Le pays n’offre que des promenades escarpées et beaucoup trop pénibles pour un malade déjà très affaibli, qui prenait des bains de deux heures et qui n’avait qu’une jambe valide à son service. Ce n’était pas non plus à la bonne chère qu’il eut été possible d’attribuer mon rétablissement, car j’étais là beaucoup plus mal nourri que chez moi : je ne prenais qu’une tasse de lait le matin et un peu de volaille à mon dîner, et Dieu sait quelle volaille on avait à Néris à l’époque où je m’y trouvais. Enfin, je n’avais pour toute distraction que de m’entretenir, avec quelque autre invalide comme moi, de nos misères communes, et nous vivions d’espérance ; c’était là tout notre bien-être. Ainsi, il faut bien le reconnaître, du moins c’est là ma conviction tout entière, les eaux m’ont été d’un grand secours, et je voudrais, par une sorte de reconnaissance, leur être utile à mon tour en les faisant apprécier ce qu’elles valent. »