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» La constitution des corps formés de molécules disjointes que séparent des espaces vides de matière pondérable, offre aussi une application, d’une nature particulière, de la loi des grands nombres. Par un point pris dans l’intérieur d’un corps et suivant une direction déterminée, si l’on tire une ligne droite, la distance de ce point à laquelle elle rencontrera une première molécule, quoique très petite en tous sens, variera néanmoins dans de très grands rapports avec sa direction : elle pourra être dix fois, vingt fois, cent fois, … plus grande dans un sens que dans un autre. Autour de chaque point, la distribution des molécules pourra être très irrégulière, et très différente d’un point à un autre ; elle changera même incessamment par l’effet des oscillations intestines des molécules ; car un corps en repos n’est autre chose qu’un assemblage de molécules qui exécutent des vibrations continuelles dont les amplitudes sont insensibles, mais comparables aux distances intermoléculaires. Or, si l’on divise chaque portion du volume, de grandeur insensible, par le nombre des molécules qu’elle contient, lequel nombre sera extrêmement grand à raison de leur excessive petitesse, et si l’on extrait la racine cubique du quotient, il en résultera un intervalle moyen des molécules, indépendant de l’irrégularité de leur distribution, qui sera constant dans toute l’étendue d’un corps homogène, partout à la même température, et abstraction faite de l’inégale compression de ses parties, produite par son propre poids. C’est sur de semblables considérations qu’est fondé le calcul des forces moléculaires et du rayonnement calorifique dans l’intérieur des corps, tel que je l’ai présenté dans d’autres ouvrages.

» Maintenant, cette loi universelle des grands nombres, dont nous venons de donner des exemples de toutes sortes, que nous aurions pu, au besoin, multiplier et varier encore davantage ; cette loi, disons-nous, est la base de toutes les applications du calcul des probabilités. Or, il est évident qu’elle convient également aux choses morales qui dépendent de la volonté de l’homme, de ses lumières et de ses passions ; car il ne s’agit point ici de la nature des causes, mais bien de la variation de leurs effets isolés, et des nombres de cas nécessaires pour que ces irrégularités se balancent dans les résultats moyens. La grandeur de ces nombres ne peut pas être calculée d’avance ; elle sera différente dans les diverses questions, et, comme on l’a dit plus haut, d’autant plus considérable que les irrégularités des faits observés auront plus d’amplitude. Mais, à cet égard, on ne doit pas croire que les effets de la volonté spontanée, de l’aveugle-