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donner toujours deux images à très peu près égales ; enfin, que dans le plus grand nombre de cas et surtout quand il s’agit des corps célestes, la lumière régulièrement réfléchie, la lumière spéculaire qui arrive à notre œil, est une si petite partie de la lumière totale, qu’on ne doit guère espérer d’apercevoir quelque dissemblance entre les deux parties du faisceau bifurqué. Toutefois, en s’aidant de diverses précautions dont le détail serait ici sans intérêt, M. Arago parvint à discerner une très légère différence d’intensité entre les deux images de la brillante comète de 1819.

Nous venons de dire que la différence des deux images de la comète de 1819 était très légère ; or, quoiqu’en se servant de l’appareil de M. Arago, MM. de Humboldt, Bouvard et Mathieu, fussent arrivés au même résultat, il était désirable que l’importante conséquence astronomique qui s’en déduisait, ne fût pas uniquement fondée sur une fugitive inégalité d’éclat : les erreurs, qu’en ce genre, on trouve dans les travaux des plus célèbres physiciens, sont connues de tout le monde.

M. Arago modifia donc son premier appareil, de manière que l’inégalité primordiale des images, dût se transformer en une dissemblance de couleur. Ainsi, au lieu d’une image forte et d’une image faible, on devait avoir, pour certaines positions, une image rouge et une image verte ; pour d’autres, une image jaune et une image violette, et ainsi de suite, en parcourant, d’un côté, toutes les couleurs prismatiques et de l’autre, les nuances complémentaires. Nous ne parlerons pas ici des expériences à l’aide desquelles on a reconnu qu’une très légère différence d’intensité se distingue moins aisément que la différence correspondante de coloration ; mais nous insisterons sur cette réflexion dont chacun sentira la justesse, qu’une différence de couleur est un phénomène non équivoque, qui ne laisse, qui ne peut laisser aucun doute dans l’esprit, tandis qu’il s’en faut de beaucoup qu’on doive dire la même chose d’une très légère inégalité d’éclat.

Le 23 de ce mois, M. Arago ayant appliqué son nouvel appareil à l’observation de la comète de Halley, vit, sur le champ, deux images qui offraient des teintes complémentaires, l’une rouge, la seconde verte. En faisant faire un demi-tour à la lunette sur elle-même, l’image rouge devenait verte, et réciproquement. Ainsi la lumière de l’astre n’était pas, en totalité du moins, composée de rayons doués des propriétés de la lumière directe, propre ou assimilée : il s’y trouvait de la lumière réfléchie spéculairement ou polarisée, c’est-à-dire, définitivement, de la lumière venant du soleil.

MM. Bouvard, Mathieu, et Eugène Bouvard, élève astronome à l’Observatoire, voulurent bien répéter l’expérience que nous venons de faire