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séparés par des intervalles discontinus, ou si, en donnant une complète liberté de distribution aux molécules, dans l’état de solution par exemple, il peut se former en outre des combinaisons en proportions continûment progressives. Pour attaquer ce second problème avec quelque espérance de succès, il fallait, parmi les produits dont les molécules complexes agissent sur la lumière polarisée, en rencontrer un formé de principes constituans si faiblement unis, qu’on pût graduer lentement l’effort de leur affinité mutuelle ; et, qu’en même temps, ces principes fussent assez fixes pour pouvoir être retirés à tout instant de la combinaison, sans être altérés. Ces conditions favorables m’ont semblé pouvoir se réaliser par l’union spontanée de l’acide tartrique avec l’acide borique dans l’eau, à la température ordinaire ; et l’étude de ce genre de combinaisons, suivie depuis un mois par des expériences multipliées, m’a présenté une série de faits de mécanique chimique que je vais indiquer brièvement.

» L’acide borique dissous dans l’eau n’agit pas sensiblement sur la lumière polarisée. L’acide tartrique dissous agit, mais suivant une loi qui lui est spéciale ; tandis que ses combinaisons avec les autres substances, même avec l’acide borique, exercent la polarisation circulaire suivant une autre loi, qui est commune à tous les corps doués de ce genre d’action. Lorsque l’acide borique et l’acide tartrique sont mis en présence dans un milieu diaphane, où l’on a étudié d’abord leurs effets isolés, la déviation totale que la solution imprime à un rayon polarisé, est la somme des déviations exercées par la combinaison qui a pu se former, et par la portion d’acide tartrique dissous qui a pu rester libre ; car les rotations des substances simplement mélangées ne font jamais que s’ajouter ou se soustraire. Ces sommes étant donc observées pour un grand nombre de solutions des deux acides, faites en proportions pondérables exactement connues, on comprend que la marche de leurs valeurs successives peut montrer s’il y a combinaison, et déceler le mode, défini ou progressif, suivant lequel elle se fait.

» Considérons d’abord ainsi deux solutions aqueuses séparées, l’une d’acide tartrique seul, l’autre d’acide borique, en proportions telles, qu’elles puissent exister individuellement liquides à la température où l’on opère, par exemple à celle de 15 ou 16 degrés centésimaux qui a lieu actuellement. Si l’on mêle ces deux solutions, on peut prouver de diverses manières que les deux acides se combinent instantanément l’un avec l’autre, comme feraient un acide et un alcali. Le même résultat s’obtient si l’une des deux solutions acides seulement étant formée, on y introduit l’autre acide à l’état solide. La dissolution de celui-ci s’opère progressivement, sous