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limites calculables. L’expérience a prouvé que dans des circonstances données, on peut opérer un nombre assez considérable de malades sans en perdre un seul, tandis que dans d’autres circonstances, on perd presque tous ceux qu’on opère.

» La diversité des constitutions médicales, même pour des trimestres qui se correspondent, introduit de notables différences. Tantôt en effet les succès sont faciles, nombreux, assurés, parce que l’opération et ses suites marchent sans embarras, sans obstacles ; tantôt au contraire les revers sont prompts, fréquens et presque inévitables, parce que des dégénérations inflammatoires vives, des complications bilieuses graves, de violens accidens nerveux viennent s’y joindre.

» Bien plus, le procédé opératoire lui-même, non-seulement considéré en soi, mais envisagé aussi par rapport à la main qui l’exécute, en raison de cette confiante sécurité que donne l’habitude qu’on a de le mettre en pratique ; la saison, le climat, et jusqu’au lieu où se fait l’opération, tout influe sur les succès. Ces succès ne sont point du tout les mêmes dans un grand hôpital, toujours plus ou moins encombré, dans un petit hôpital, dont la population est ordinairement moindre, même toutes choses égales d’ailleurs, ou dans une maison particulière.

» La durée de la maladie antérieurement à l’opération, la variété des ravages que la présence de la pierre a causés sur la vessie et ses dépendances, la constitution générale du malade, sa disposition tant morale que physique au moment de l’opération, le travail incessant de l’organisme livré à l’action plus ou moins puissante de la vie et de ses fonctions ; telles sont quelques-unes des circonstances importantes qui, pour les médecins, rendent les faits si variables, si accidentés, si peu comparables entre eux, si susceptibles de ces nombreuses sources d’erreurs qu’aucune loi de probabilité ne pourrait embrasser. Remarquez bien d’ailleurs qu’entre toutes ces circonstances, il n’en est pas une seule qui se trouve dans la catégorie de celles que leur petitesse puisse faire négliger dans le calcul.

» Finalement, en médecine, les circonstances, les causes même régulières des phénomènes sont le plus souvent compliquées, cachées, inconnues, et leur action est troublée, intervertie par un si grand nombre d’accidens, qu’elles sont tout-à-fait insaisissables par le calcul. Le calcul, en effet, ne saurait atteindre le minutieux détail des combinaisons quand elles sont à ce point variables, quand elles se multiplient et se compliquent au-delà d’un certain terme.

» Lorsque notre célèbre Morgagni, avec toute la puissance de son génie,