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» La médecine, dont les propres travaux sont difficiles, lents, sans éclat et sans gloire, a trop souvent cherché à s’accoler aux idées que l’opinion du jour tient en vogue. C’est ainsi qu’en ce moment, on veut sans cesse appliquer la statistique à la plupart des questions transcendantes de la thérapeutique. Or dans ce cas la statistique n’est autre chose au fond qu’un essai d’application du calcul des probabilités. Essayons de découvrir ce qu’il faut en penser.

» En matière de statistique, c’est-à-dire dans les divers essais d’appréciation numérique des faits, le premier soin avant tout c’est de perdre de vue l’homme pris isolément pour ne le considérer que comme une fraction de l’espèce. Il faut le dépouiller de son individualité pour arriver à l’élimination de tout ce que cette individualité pourrait introduire d’accidentel dans la question.

» En médecine appliquée au contraire, le problème est toujours individuel, les faits ne se présentent à la solution qu’un à un ; c’est toujours privativement de la personnalité du malade qu’il s’agit, et finalement ce n’est jamais qu’un seul homme avec toutes ses idiosyncrasies que le médecin doit traiter. Pour nous les masses restent tout-à-fait en dehors de la question.

» Le calcul des probabilités, en général, montre que, toutes choses égales d’ailleurs, on se rapproche d’autant plus de la vérité ou des lois dont on cherche la détermination, que les observations dont il s’agit embrassent un plus grand nombre de faits ou d’individus à la fois. Ces lois alors, par la manière dont on les a déterminées, ne présentent plus rien d’individuel ; on ne saurait, par conséquent, les appliquer aux chances relatives à un seul homme, sans s’exposer à de nombreuses erreurs.

» Toutes les applications que l’on voudrait en faire, même dans de certaines limites, à un cas isolé en particulier, seraient passibles d’erreur. Où arriverait-on si l’on prétendait, par exemple, assigner positivement le sexe de l’enfant qui va naître, d’après le rapport assez exactement établi du nombre proportionnel des naissances masculines aux naissances féminines ? Quel résultat pourrait-on atteindre si l’on cherchait à fixer l’époque à laquelle Pierre doit mourir, en faisant usage des tables générales de la mortalité ?

» Le calcul des événemens antérieurs ou connus, dans le but de s’élever à un certain ordre de probabilités, pour les circonstances qui appartiennent aux événemens analogues futurs ou inconnus, ne peut fournir d’inductions valables que dans les cas où l’on ne connaît pas du tout l’évé-