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excrémens humains et autres substances animales putréfiées et versées dans ces bassins par les torrens de pluie ou par ces aqueducs.

» À ces émanations, presque nulles pendant les autres saisons, se sont joints dans ces deux villes, surtout à Toulon que je connais parfaitement, les émanations infectes résultant du séjour des matières désignées plus haut, dans des réduits particuliers (sorte de latrines) ou dans des vases non fermés usités dans toutes les maisons, l’entassement des individus dans des habitations dont la capacité était disproportionnée à leur nombre, enfin, la terreur qui s’était établie parmi les habitans de ces ports de mer, par les effets foudroyans de la maladie, et par l’idée que quelques médecins avaient répandue sur sa prétendue contagion ; ce qui a causé une émigration subite et prodigieuse. Néanmoins, cette émigration a été utile aux personnes qui y étaient restées, en agrandissant l’espace de leurs habitations. Les effets de cet entassement se sont manifestés aussi dans le bagne et les casernes du port, d’ailleurs tenus très proprement et bien ventilés. Les condamnés qui travaillent constamment dans les ateliers qui bordent le bassin rempli de ces eaux infectes ont dû se ressentir les premiers des émanations dont nous avons parlé. Certes, on ne pouvait obtenir de grands succès du traitement, quoique rationnel, mis en usage sur les malades transportés à l’hôpital de terre, parce qu’il ne présente point les conditions voulues pour un bon hôpital[1]. Au total, il y aurait de très grandes et très dispendieuses améliorations à faire dans cette place forte, pour faire disparaître toutes les causes locales d’insalubrité. Cette question fixera sans doute un jour l’attention du gouvernement.

» Avant de parler de Marseille, je ferai quelques réflexions sur deux ou trois phénomènes singuliers que j’ai observés sur divers points de la contrée où le choléra a sévi avec plus ou moins d’intensité. L’un de ces phénomènes a été la disparition subite, ou l’émigration totale des oiseaux qui ne vivent que dans un air pur, tels que les passereaux, les merles, les grives et les hirondelles ; aucun de ces oiseaux n’a été trouvé mort sur le terrain, et cette émigration a eu lieu dans toute la région de la Provence qui s’étend par trois lignes divergentes, d’Avignon à Toulon, à Marseille, à Arles et à Tarascon.

» Est-ce l’influence épidémique qui les a fait émigrer, ou est-ce l’excessive chaleur qu’on a éprouvée dans cette contrée ? On aurait peut-être pu

  1. Un rapport a été fait au ministre de la guerre sur cet hôpital.