E. Duprat[1]. Il est cependant impossible d’admettre une origine aussi tardive. Le texte remonte incontestablement à l’époque mérovingienne, sinon quant à sa forme, en tous cas quant à son contenu.
Celui-ci consiste essentiellement en une longue liste des épices que les moines de Corbie achetaient annuellement au marché de Cambrai, avec l’indication de leurs quantités. Or il suffit de parcourir cette liste pour y retrouver, augmentés de quelques autres, tous les produits orientaux cités dans le privilège de 716. Rien de plus simple à première vue, que d’expliquer cette concordance par la continuité de l’importation des épices au ixe siècle et au xe siècle. C’est ce que n’ont pas manqué de faire les auteurs que je viens de citer. Mais tout ce que nous savons du mouvement économique à partir du viiie siècle nous prouve que l’intercourse, si actif encore à l’époque mérovingienne entre l’Orient et l’Occident, avait alors définitivement cessé de fonctionner. La soie a disparu des vêtements comme les épices de l’alimentation. Les tractoriae de l’époque mérovingienne mentionnent encore régulièrement ces dernières parmi les denrées à fournir aux fonctionnaires royaux en mission. Sous les Carolingiens au contraire, ces mêmes fonctionnaires en sont réduits à un ordinaire de beurre, d’œufs, de légumes et de viande de porc[2]. Si quelques juifs importent encore par les cols des Pyrénées et des Alpes ou peut-être
- ↑ Les relations de la Provence et du Levant du ve siècle aux croisades, dans Séances et travaux du Congrès français de la Syrie, Paris-Marseille, 1919, p. 86.
- ↑ Comparez par exemple à cet égard la formule de tractoria de Marculf, éd. Zeumer, p. 49 et une formule analogue de l’époque carolingienne, ibid., p. 292. La première mentionne, à côté de produits indigènes : le garo, le cimino, le costo, le cariofilo, le spico, le cinamo, le granomastice, le dactalus, les pestacias, les amandolas ; la seconde ne contient plus en fait de menu que « panes, friscingas, porcellum sive agnum, pullos, ova, potus, sal, herbola, ortolanos…, formaticos, legumina, pisces. » Elle ne cite pas même le poivre ! Cf. F. L. Ganshof, La Tractoria, Revue d’histoire du droit (de Leide), 1927, p. 88, n. 2.