Page:Compayré - J.-J. Rousseau et l’Éducation de la nature, 3e tirage.djvu/96

Cette page n’a pas encore été corrigée
90
J.-J. ROUSSEAU.

de l’humanité : Sophie a le tempérament d’une Italienne, la fierté d’une Espagnole, la sensibilité d’une Anglaise. Il ne lui manque peut-être, pour être parfaite, que le bon sens et la sérieuse simplicité d’une Française instruite et cultivée. Elle est, elle aussi, une élève de la nature : « Elle n’use d’autre parfum que de celui des fleurs. » — « Je ne la louerai jamais tant que quand elle sera simplement mise… » Il y a de sages et de belles paroles dans le fatras du cinquième livre de l’Émile ; celles-ci, par exemple : « Montrez à la femme dans ses devoirs la source même de ses plaisirs et le fondement de ses droits. Est-il si pénible d’aimer pour être aimée, de se rendre aimable pour être heureuse, de se rendre estimable pour être obéie, de s’honorer pour se faire honorer ?… » Bien d’autres passages expliquent, sans pourtant la justifier tout à fait, l’opinion d’un historien allemand de l’éducation, Frédéric Dittes, qui s’est risqué jusqu’à dire qu’il considérait la dernière partie de l’Émile comme « le meilleur livre qui ait été écrit sur l’éducation de la femme ». Et, en tout cas, Sophie, malgré les lacunes de son éducation, est déjà la femme moderne, faite non pour l’Église et le couvent, mais pour la vie de famille ; malgré ses défauts, elle possède cette qualité précieuse et nouvelle, que sa vertu est aimable.