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pendance de ses croyances ou plutôt à cause de cette indépendance. Nous allions souvent, quand il faisait beau, nous asseoir sous de petits peupliers à feuilles blanches le long de l’Allier ; il lisait pendant que je dessinais, et interrompant sa lecture, il me parlait de ce qu’elle lui suggérait ou se mettait à réciter des vers. Il savait ainsi par cœur des pages entières de prose ; celles qu’il citait le plus souvent étaient de Montesquieu et de Chateaubriand. Cette mémoire se révélait également par rapport aux dates ou aux faits historiques. Mais s’agissait-il d’un souvenir littéraire, alors il était vraiment surprenant ; dans un volume lu vingt ans auparavant il se rappelait la page et l’endroit de la page qui l’avait frappé et, allant droit à sa bibliothèque, il ouvrait le livre et vous disait : « Voilà », avec une certaine satisfaction qui brillait dans ses yeux clairs.