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et gaie avec des accès de bouffonnerie fréquents, et pourtant au fond de sa nature il y avait une tristesse indéfinie, une sorte d’inquiétude ; l’être physique était robuste, porté aux pleines et fortes jouissances, mais l’âme aspirant à un idéal introuvable, souffrait sans cesse de ne le rencontrer en nulle chose. Ceci se traduisait dans les plus petits riens ; il eût voulu ne pas sentir la vie, car, chercheur sans trêve de l’exquis, il était arrivé à ce que la sensation chez lui fût presque toujours une douleur. Cela tenait sans doute à la sensibilité du système nerveux que les commotions violentes d’une maladie dont il eut des accès à plusieurs reprises, surtout dans sa jeunesse, avaient affiné à un point extrême. Mais cela venait aussi de son grand amour de l’idéal. Cette maladie nerveuse jeta comme un voile sur toute sa vie ; c’était une crainte qui obscurcissait