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MES DÉBUTS COMME TRAPPEUR

fut exécuté, les loutres reparurent à la surface, puis subitement replongèrent à environ dix pieds de l’arrière du canot. Je n’avais pas eu le temps d’épauler mon fusil, j’étais on ne peut plus chagrin d’avoir perdu la chance de ce coup de fusil.

Nous attendîmes quelques minutes, mais les loutres ne se remontrèrent pas. Il nous fallut donc atterrir et préparer notre campement. Nous choisîmes un bon endroit à environ quarante verges du lac. Pendant que mon Sauvage ramassait du bois sec et de l’écorce de bouleau, j’avais cassé des branches de sapin et défait le petit paquet qui contenait notre bouilloire de ferblanc. Je descendis au lac pour le remplir, car il commençait à faire sombre. Notre canot avec quelques-uns de nos effets, y compris le fusil, était toujours là, j’étais là debout tout près, regardant au loin sur le lac et pensait aux belles loutres que j’avais vues. Pas la moindre brise, partout silence profond. Tout à coup j’entendis du clapotage, pas très loin de moi et sur le bord de la grève. M’emparant, du fusil, je pris ma course dans cette direction. La grève était basse et couverte de petite brousse qui craquait sous mes pas. Après avoir marché une cinquantaine de verges, je rencontrai un tertre, vieille hutte démantibulée de castors. Je m’y assis, et je prêtai l’oreille. Je n’avais pas pu établir la nature de ce clapotement, mais je m’attendais que c’étaient les loutres encore qui en étaient la cause. En effet, il y avait à peine deux minutes que j’étais là, lorsque l’une d’elles sortit de l’eau, suivie bientôt des deux autres. Elles étaient à environ quinze pieds de moi, cherchant sans doute à savoir qui pouvait bien être assis là. Je respirais à peine. Bien lentement j’épaulai mon fusil et tirai sur celle qui me paraissait la plus forte de taille.