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NOMMÉ GARDIEN DE LA RIVIÈRE GODBOUT

En remontant à la surface, je tournai sur le dos et me mis à chanter une chanson de canot : « C’est la belle Françoise Allons gai ! »

Je n’ai jamais vu gens plus stupéfaits. Ils restaient la bouche bée, et le vieux Creuset de s’écrier.

— Ben !… j’vous l’avais dit. C’est un vrai loup-marin.

Pendant que je suis sur ce sujet, je vais raconter une autre de mes expériences quelques années plus tard. M. Allan Gilmour, l’un des ci-devant propriétaires de la rivière Godbout, avait apporté avec lui, en descendant, un numéro du Field de Londres, dont j’ai oublié la date. Il contenait un article dans lequel on prétendait qu’un pêcheur avec une perche de ligne à saumon et son attirail, pouvait amener à terre le plus fort nageur, en jouant avec lui comme avec un poisson, et cela en quelques minutes ! Je crois que l’article disait vingt minutes.

Un soir, après dîner, nous étions, le Dr Campbell, M. Gilmour et moi, à discuter sur ce sujet-là, lorsque M. Gilmour me dit :

— Qu’en pensez-vous ?

Je lui répondis que je croyais la chose impossible.

— Très bien, fit-il, voulez-vous en faire l’essai ?

— Certainement, lui répliquai-je, pourvu qu’on me donne, au départ, huit ou dix verges de ligne.

On prit une écharpe de laine, on me la passa par dessus le cou, puis sous les bras et de nouveau par dessus les épaules où elle fut nouée. La manche fut fixée dans la partie de l’écharpe qui me recouvrait le cou. M. Gilmour avait une lourde perche de 18 pieds de ligne à saumon. Elle était munie d’une ligne de soie tressée à triple et à simple fil de boyau. Je n’étais pas rendu loin, lorsque le boyau simple se cassa. Je crois qu’il voulait manier trop rudement son poisson. Le boyau à triple fil fut alors fixé, mais n’eut pas