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NOMMÉ GARDIEN DE LA RIVIÈRE GODBOUT

Un vieux pêcheur de Matane, du nom de Creuset, prenait grand plaisir à me regarder nager, plonger, exécuter des évolutions dans l’eau, comme aussi de mettre mon canot sens-dessous dessous, et d’y remonter après l’avoir remis d’aplomb, de me déchausser à l’eau. Et il allait raconter tout cela à ses amis.

Un dimanche après midi, peu après l’affaire du jonc, je descendis à la rivière pour prendre mon bain ordinaire. Creuset me voyant partir appela une foule d’autres pêcheurs à venir être témoin de toutes mes prouesses. Il y avait huit ou dix bateaux de pêche dans la rivière avec assez d’espace entre eux pour librement virer de bord. Je nageais tranquillement, lorsque quelqu’un me cria :

— Plongez donc, que nous vous voyions !

Il me vint de suite à l’idée de jouer un tour à ces gens-là :

— Parfait, répondis-je ! Allons-y !

En plongeant, je piquai droit sur un des bateaux. Remontant de suite à la surface à tribord du bateau, je m’accrochai à l’un des chevillots. Après être demeuré là pendant deux ou trois minutes, je me dirigeai vers un autre bateau plus loin auquel je me tins accroché de même façon pendant quelque temps.

Pendant ce temps-là, l’inquiétude s’était emparé de bien des gens. J’entendais leurs exclamations. D’aucuns disaient : Il est noyé, bien sûr. D’autres pensaient que j’avais pu me jeter sur une ancre ou m’être entortillé dans les cordages. Creuset, cependant, soutenait, lui, que tout allait bien. À la fin, l’un d’entre eux, ne pouvant plus y tenir, malgré les assurances de Creuset, cria :

— Descendons vite et cherchons-le.

Aussitôt que je les entendis embarquer dans le canot, je lâchai prise et exécutai un maître-plongeon vers le côté ouest de la rivière. Eux étaient sur la rive est.