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NOMMÉ GARDIEN DE LA RIVIÈRE GODBOUT

— Comment ! dit-il, un petit garçon comme toi, rester ici tout seul ? Tu n’as pas peur que les Sauvages viennent te scalper ?

Je lui répondis que je n’avais pas peur, que je connaissais les Sauvages, que j’avais passé toute ma vie avec eux, et que je ne pensais pas qu’il y aurait de troubles.

C’est ainsi que je fus nommé gardien, position que j’ai, sans interruption, remplie jusqu’à aujourd’hui. Mes obligations ne comportaient pas beaucoup de travail, rien que ce qui convenait à ma fantaisie ; courses dans les bois et canotage. J’avais un mille et demi de la rivière à naviguer à l’aviron ou à la perche, puis une marche de deux milles pour arriver à la fosse la plus éloignée. Le docteur m’avait donné des lignes et des mouches et la permission de pêcher autant que je le voudrais. Les oiseaux de mer, les pluviers et les ortolans y fourmillaient. C’étaient de bons coups de fusils à faire. Brillantes perspectives pour ma jeune imagination ; aussi m’en suis-je donné.

Je passais la plus grande partie de la journée sur la rivière à pêcher la truite qui abondait, ou bien à chasser sur la barre de sable. Seul que j’étais dans une très grande maison, j’avais à faire ma propre cuisine, à cuire mon pain, etc. Le soir ou les jours de mauvais temps, je me mettais à lire un des livres que M. Lawlor m’avait donnés, ou tout autre sur lequel je pouvais tomber. J’aimais beaucoup la lecture ; j’en ai conservé l’habitude jusque dans mes excursions de trappeur, alors que j’avais toujours un ou deux livres avec moi. Mon père avait une bonne collection de livres, et j’y choisissais ce qui me convenait ; il n’y fit jamais aucune objection. Récits de voyages, traités d’histoire naturelle, ouvrages de médecine, voilà quels étaient mes sujets favoris.