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COUPS DE FUSIL INEXPLICABLES ET AUTRES

qu’il y en avait était trop dur pour permettre de faire bonne chasse. Les caribous étaient à brouter sur les flancs d’une petite rangée de collines dénudées où il était presqu’impossible de les traquer.

En ce temps-là, sur la côte, on ne connaissait pas la carabine et je n’avais qu’un fusil à pierre de la Compagnie de la Baie d’Hudson, calibre 28, sur lequel on pouvait compter pour de courtes portées, mais qui exigeaient trop de conditions pour les longues. Pour un tir rapide, nous faisions part large la lumière de ces fusils, et utilisant de la poudre fine, généralement de la FFF, pour la charge, ce fusil se trouvait en bonne allure. Quand il s’agissait de la chasse au caribou ou de quelqu’autre gibier de haute taille, nous nous mettions quelques balles dans la bouche.

Immédiatement après avoir tiré, nous mettions le fusil à mi-détente, le bassinet fermé ; nous versions une charge de poudre dans le canon, nous appliquions la bouche du canon à nos lèvres, nous y laissions descendre une balle humide et nous étions prêts.

Nous ne nous servions pas du tout de bourre ; la balle étant mouillée, cela suffisait pour la maintenir en place. Parfois un fusil éclatait du fait qu’une balle s’arrêtait collée aux parois du canon de ces fusils, et, à la quantité de coups de feu qui se tiraient, il est surprenant que pareils accidents ne fussent pas plus fréquents.

Une famille d’indiens était campée dans notre voisinage, et comme nous étions à court de vivres, je réussis à décider le vieil Indien et ses deux garçons à joindre notre parti de chasse. Il y avait un petit lac près de la montagne où se trouvaient les caribous, avec une gorge longue et étroite qui conduisait à la rivière elle-même. Il fut décidé que je me posterais à l’entrée de la gorge, que mon frère et les trois sauvages iraient cerner les caribous du côté opposé, et,