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COUPS DE FUSIL INEXPLICABLES ET AUTRES

Nous fîmes bonne chasse ; nous tuâmes une douzaine de perdrix le premier jour et autant durant les deux autres journées que nous passâmes dans l’endroit. Nous tirions d’ordinaire le dos tourné, et, chaque fois que c’était mon tour, c’était grande jouissance pour le vieux que de me voir faire sauter la tête d’un oiseau d’un coup de carabine et pour le seul plaisir de la chose, il me demandait souvent de tirer sur un objet quelconque qu’il m’indiquait.

Nous avions à traverser la rivière Sainte-Anne. Droit en face de sa maison, il y avait une mare d’eau morte où le bonhomme avait un bac. En y venant le deuxième jour, un martin-pêcheur nous dépassa et alla se jucher sur une branche avancée, à quelque distance plus loin.

— Vite, tirez, dit Morasse, tuez ce fripon.

— Très bien, lui répondis-je, regardez-le faire. Je vais lui mettre une balle dans l’œil.

Tout étrange que ce soit, c’est exactement ce qui arriva. La balle lui traversa les deux yeux. En mesurant la distance nous trouvâmes qu’il y avait quatre-vingt-douze verges.

— Il faut avoir le diable au corps, jura le père Morasse, quand il vit où la balle avait porté.

Je m’imagine qu’il ne me regarda plus qu’avec une certaine crainte après ce temps-là. Que de fois ne raconta-t-il pas la chose ! Pauvre bonhomme, j’ai extrêmement regretté d’apprendre que quelques années plus tard il s’était tué accidentellement en prenant son fusil à bord du bac.

Après avoir lu ceci, j’espère que personne n’ira s’imaginer que j’avais visé à la tête de l’oiseau ; le toucher n’importe où à cette distance eût été un merveilleux coup. Il est tout simplement inexplicable.

Ce que je considère comme le plus extraordinaire coup de fusil que j’ai jamais vu, fut tiré par François