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RIVIÈRES À SAUMON

naturellement, à cette saison avancée, c’est aux frayères que l’on joue du harpon. Lors des premières années de la réserve, ce n’était pas rare pour un canot de rentrer avec quarante à cinquante saumons, capturés au harpon en une seule nuit.

Les Montagnais ont une fête annuelle le 15 août. J’ai eu plusieurs fois l’honneur d’y être invité. C’est en même temps une fête religieuse, à l’occasion de laquelle, la plupart des mariages se font. À l’une de ces fêtes, celle de 1871, il y avait comme quatorze ou quinze couples qui devaient s’épouser, et l’on avait fait de grands préparatifs. Le vieux chef des Montagnais, Jean-Baptiste Estlo, avait organisé tout un parti de harponneurs. Quarante-sept canots y prirent part et cette nuit-là, neuf cents saumons furent harponnés ; ce qui, dans mes calculs, devait représenter comme poids environ dix-huit mille livres ; car on ne harponne pas le petit saumon.

Plusieurs années durant, ce sport se pratiqua sans diminution apparente du saumon, mais trois ou quatre ans après l’installation à Bersimis de la scierie de MM. Girouard et Beaudet, on remarqua une baisse dans le nombre de saumons. Les sauvages en accusèrent les propriétaires de la scierie, et ceux-ci, à leur tour, prétendirent que les sauvages devaient être les seuls à blâmer, à cause de leur persistance à harponner le saumon dans les frayères.

Il n’y a pas de doute que, d’une part comme de l’autre, on avait été la cause de la diminution du saumon. Quoiqu’il en pût être, d’un rendement annuel d’environ quatre-vingt mille livres de saumon, la capture tomba à environ vingt mille livres ; voilà ce qu’elle est encore aujourd’hui.

L’an dernier, 1908, j’eus avec le chef d’aujourd’hui, Moïse, une conversation à ce sujet. Il me parut être sous l’impression que le saumon augmentait