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nières nouvelles de Bersimis, et repartis. J’arrivai à la brune à la Pointe-aux-Outardes. Je m’informai de Lévesque, et l’on me répondit qu’on ne l’avait pas vu dans l’endroit. Qu’était-il survenu ? Personne n’en pouvait rien dire, et il était trop tard pour aller à sa recherche. Il n’y avait qu’une seule chose à faire : dresser des fanaux comme signaux au cas où il pouvait se trouver à errer à l’aventure sur la glace ; bon nombre de gens dirent que c’était inutile, qu’ils le croyaient noyé. Il n’en était rien, cependant, car, sur les neuf heures, Lévesque apparut, très fatigué, mais parfaitement bien d’ailleurs.

Il raconta que, après m’avoir laissé, rendu à environ quatre milles du rivage, il avait aperçu au loin en face, une nappe d’eau claire. Comme, à distance, elle paraissait étroite, il avait pris une course dans l’espoir qu’il pourrait la franchir d’un seul saut. À son grand désappointement, la mare d’eau avait plus de trente pieds de largeur et s’élargissait graduellement. Comme il ne savait pas du tout nager, il lui était donc impossible de la traverser. Du côté ouest, la mare semblait se rétrécir peu à peu, jusqu’au moment où, à distance, les glaces lui parurent se souder ensemble. Il courut pendant deux milles dans cette direction, pour seulement constater que plus il approchait, plus la mare était large. Il n’y avait pas à en douter, il était à la dérive, mais non en danger immédiat, car la glace était assez forte pour le porter, mais pendant combien de temps resterait-il dessus, il n’en savait rien. Comme il ne ventait pas, il se prit à espérer qu’on viendrait du rivage à son secours dès le matin.

Il ignorait tout de l’effet des fortes marées dans le voisinage, autrement il eût compris que le baissant emporterait les glaces au large, et que le montant les aurait ramenées, si quelque vent violent n’interve-