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Service de la poste



EN 1859, quand mon père alla se fixer à la Baie Trinité, il n’y avait pas le moindre service de poste dans cette partie du pays ; le bureau de poste le plus proche de la Baie, autant que je me rappelle, était celui de Bersimis. En été nous envoyions ou recevions les lettres par des bateaux côtiers ou des goélettes de pêche qui allaient se gréer à Québec et y retournaient après que le travail de saison était terminé.

En hiver, vers la mi-janvier, un courrier particulier était expédié par la Compagnie de la Baie d’Hudson de son poste à Mingan, le principal poste alors et aujourd’hui encore, de l’ouest du Labrador et de la Côte Nord, à l’est de Bersimis. Le voyage aller et retour par terre de Mingan à Bersimis, en comptant tous les détours à faire, dépasse six cents milles.

Pour ce voyage on engageait trois hommes, y compris le plus jeune des commis qui toujours avait charge du courrier et voyait aux provisions et autres choses nécessaires au cours du trajet. Le voyage durait généralement six semaines. Il fallait faire la route à la raquette ; la malle et les provisions mises dans des sacs étaient portées à dos, chacun prenant sa part. Mon premier compagnon et ami, M. Peter McKenzie, fit ce voyage plusieurs hivers de suite. Quand il arrivait au parti de s’arrêter dans quelqu’habitation pour y passer la nuit, les lettres y étaient acceptées et transportées, si c’était possible, franco pour la famille, mais partout ailleurs, on exigeait et l’on payait volontiers vingt-cinq sous par lettre. À l’exception de quelques endroits près des habitations, il n’y avait ni chemins ni sentiers d’aucune sorte, et les hommes avaient à se débrouiller eux-mêmes dans les bois, parfois pendant des milles,