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CHARLES MOREAU

Pendant qu’ils étaient occupés à cette besogne le poids combiné du loup-marin, du canot et des deux hommes fut plus que ne pouvait supporter la glace, qui se rompit en faisant chavirer le canot, les morceaux de glace se dispersant. Au cours de leur bain forcé, ils parvinrent à se hisser sur l’un des plus gros morceaux de glace à leur portée, mais leur canot, leurs avirons et le loup-marin s’en allaient à la dérive. Ils s’égosillèrent à crier ; ils étaient trop loin pour qu’on pût les entendre. Cependant, par hasard, je les vis faire des signaux avec leurs bras et leurs coiffures. Je vis de suite qu’il se passait quelque chose contre l’ordinaire. Nous fîmes force avirons de leur côté, et nous nous rendîmes enfin compte de la position dans laquelle ils se trouvaient. Comme il n’y avait pas de danger immédiat, nous manœuvrâmes avec plus de mesure. Nous les recueillîmes tous deux, puis nous rattrapâmes le canot et ses avirons, de même que le loup-marin qui, grâce à sa graisse, flottait encore.

Ce deuxième sauvetage raviva encore davantage l’amitié de Charles à mon égard, et il n’en finissait plus de me le dire.

Hélas ! le pauvre garçon, sa destinée était de se noyer.

Deux ans plus tard, par un calme et radieux matin de mai, il était parti en canot d’écorce pour faire la chasse au canard. Le même jeune garçon, fils de William Jordan, le braconnier, l’accompagnait. Ils étaient au large du phare de la Pointe-des-Monts, à la distance d’environ un quart de mille de la rive. Ils tirèrent bien des coups de fusil, et Monsieur Ferdinand Fafard aîné, alors gardien du phare, les regarda faire pendant longtemps à travers sa longue-vue. La dernière fois qu’il les vit, ils lui parurent s’être mis à la poursuite d’un canard blessé. Comme