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Trois aigles dorés



UN matin, de bonne heure, je partis pour faire la chasse à l’oie sauvage. Le jour d’avant, j’avais découvert où il s’en trouvait des troupes considérables, après avoir observé de quel côté elles étaient venues avec la marée et, à marée haute, elles s’étaient posées sur les bancs de sable pour faire leur toilette et se chauffer au soleil. La veille au soir, la nuit une fois bien tombée, je m’étais préparé un affût en creusant un trou dans le sable, en le bordant de gazon et de branches, de façon à le faire se confondre avec les environs. J’avais à me poster à cet affût avant le jour pour que les oies ne m’y vissent pas arriver ; ce qui voulait dire pour moi, une attente de près de quatre heures avant que la marée fût haute.

Je m’étais pourvu d’une épaisse couverture de laine d’un gris tendre, dont la couleur s’harmonisait avec le sable, et j’avais l’avantage de pouvoir m’en dépouiller plus vite que d’un pardessus. On se sent aussi plutôt gêné pour tirer, avec un gros pardessus sur le dos, et de plus, on est extrêmement mal à son aise pour épauler une carabine, à moins que celle-ci ait un fût raccourci. Je m’enveloppai dans la couverture et me couchai dans le trou en essayant sommeiller un peu pour tuer le temps. Il y avait des centaines d’oies qui étaient à manger, et, de temps en temps, j’entendais le « honk », sorte de « all’s well », tout va bien, de Québec quelques vieux jars en sentinelle.

Je passai ainsi trois longues heures, tantôt, roupillant, tantôt, faisant le guet. Les premières bandes d’oies étaient à une centaine de verges de moi, et il en arrivait continuellement d’autres. J’avais deux fusils, dont l’un était un Dougall à deux coups, calibre 10, fusil de première classe, magnifique cadeau