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CHASSE AU CANARD

étrange, ces oiseaux, grands plongeurs de leur nature, se noient facilement. Le moment à choisir pour leur faire la chasse est entre dix heures du matin et deux heures de l’après-midi, lorsqu’ils ont fini de manger. Ils se tiennent alors tranquillement serrés les uns contre les autres à la surface de l’eau. Et on est mieux favorisé par un temps calme et brumeux ; on a aussi remarqué que plus la brume est dense, plus vite ils se noient. Cinq ou six canots s’étant appareillés partent en ligne aussi compacte que possible. Dès que les oiseaux commencent à s’effaroucher et s’enfuient, ce qu’ils font en battant l’eau de leurs ailes, les canots doivent s’avancer en se séparant graduellement, deux canots donnant sur les flancs ; l’objet de la manœuvre est de les tenir groupés ensemble aussi longtemps que possible. Les oiseaux se fatiguent bientôt de battre l’eau de leurs ailes, et comme celles-ci sont presque sans plumes, leur avance est lente. Ils se mettent alors à plonger et se dispersent, si les canots ne les serrent pas de trop près, ou bien en font le tour et replongent pour aller se poster en arrière. Ce qui met le comble à leur frayeur, c’est que les gens se mettent à tirer sur eux s’ils peuvent les voir ; cependant, malgré qu’il n’y ait pas de canards dans le voisinage, on fait feu tout de même. Ils sont probablement tellement épeurés à la vue des canots aussi près d’eux et par le bruit des coups de fusil, qu’ils plongent trop profondément et se noient avant de pouvoir revenir à la surface. Quoi qu’il en puisse être, après trois ou quatre plongeons, ils sourdent de toutes parts, les uns morts, les autres presque sans vie. Ces derniers, s’ils ont le temps de se reposer un peu, se reprennent et s’enfuient, pendant qu’on ramasse les autres. On en capture souvent trois ou quatre cents dans une seule chasse.