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NOTRE VOYAGE DE RETOUR

l’un des jeunes Létourneau en avait tué deux dans le voisinage en allant bûcher du bois. On me dit que souvent les caribous venaient jusqu’au village.

On faisait encore usage, dans la maison, d’une ancienne lampe de fonte, en forme de cuiller à brai, dans laquelle on faisait brûler de l’huile ordinaire de baleine. C’était un ustensile à deux étages, la partie inférieure était destinée à recevoir les huiles. Le manche, qui était recourbé, s’emboîtant dans un double engrenage en bois au moyen duquel on pouvait à volonté le monter ou le baisser. Le plafond de la maison et les poutres avaient la même couleur que les huniers d’un charbonnier. À la suite de quelques représentations, je persuadai à la vieille dame de s’en défaire, et de remplacer ce quinquet par une lampe ordinaire à pétrole et deux gallons d’huile. Sa vieille relique orne aujourd’hui une collection privée

À l’ouest des Méchins, les chemins étaient meilleurs et moins accidentés, et nous prîmes le dîner à la Pointe à la Baleine. C’était, comme l’on dit, la « maison d’accoutumée » où l’on arrêtait, et Madame P., qui tenait la maison insista à faire prendre à mon frère et aux cochers un bon verre chaud de ce qu’elle appelait du whiskey blanc, mais qui, je le soupçonnai, était de sa propre manufacture. Ce liquide avait à la fois une odeur de térébentine, d’acide sulfurique et de poivre rouge et devait être très éloquent comme cordial. Je profitai de la première chance que j’eus pour vider le gobelet de mon frère dans un seau à déchets. Quand, quelques minutes plus tard, Madame P. aperçut le gobelet de fer blanc vide, elle exprima l’espoir que ce coup-là ferait beaucoup de bien au pauvre jeune homme.

À bonne heure ce soir-là, nous arrivions à Matane, où nous nous installions pour la nuit, après avoir par-