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À TRAVERS LE SAINT-LAURENT

la dérobée, parce que je ne l’aurais pas permis, attendu que la neige produit un très mauvais effet et affaiblit.

Ici, nous nous partageâmes deux de mes canards gelés, « harelda glacialis », au naturel. Nous les trouvâmes excellents, mais il me sembla que notre cuisinier aurait pu se dispenser du glacialis. Tout, de même, nous pûmes parer à la difficulté en mettant chacun notre portion en dessous du bras, en dedans de nos habits. Nous nous sentîmes réconfortés par ce mince repas, et nous nous remîmes à la poussée des canots.

Au lever du jour, je distinguai Cap Chat à environ douze milles de distance et au sud-est de nous ; ce qui me rassénéra, car j’avais là la preuve que nous avions résisté au courant. Aussi loin que je pouvais voir, les glaces, toutes cassées qu’elles fussent, se tenaient solidement serrées. C’était aussi de la glace de formation plus ancienne, car elle était couverte de neige, ce qui gênait grandement la poussée des canots. Nous prîmes plus de temps à avancer et mes compagnons parurent être rendus à bout.

Au lever du soleil, le vent avait augmenté de violence et le froid nous pénétrait. Mon frère et François Labrie souffraient énormément du froid ; le visage et les mains leur gelaient, et, à chaque instant il fallait les frotter pour rétablir la circulation. Quand je donnais le signal d’un repos, ils se laissaient choir dans le canot et voulaient dormir. C’était avec beaucoup de misère qu’on les tenait éveillés.

Jusque-là, nous avions traîné nos deux canots au cas où nous rencontrions de la glace trop faible, mais par suite de l’état d’épuisement de nos deux compagnons d’aventure, il fut impossible de continuer cette manœuvre ; de sorte que mon canot fut abandonné, parce qu’il était un peu plus lourd que l’autre. Nous y laissâmes aussi nos deux paires de rames, ne